Plateformes de réserves : 7 MMDH pour asseoir la souveraineté nationale [INTÉGRAL]

Sa Majesté le Roi Mohammed VI, accompagné de Son Altesse Royale le Prince Héritier Moulay El Hassan, a procédé, mercredi, au lancement des travaux de construction de la plateforme de réserves de première nécessité de la région de Rabat-Salé-Kénitra. Un projet qui incarne une concrétisation du modèle marocain de résilience et de déploiement rapide des secours en cas de catastrophes majeures.

En 2017, la Cour des Comptes, consciente de l’importance de l’anticipation dans la gestion d’urgence d’un Etat, appelait le gouvernement à examiner l’opportunité de constituer des stocks stratégiques de certains produits, notamment médicaux, destinés aux situations d’urgence exceptionnelles en adoptant un système de financement, de localisation et de gestion de ces stocks. Trois ans plus tard, l’intérêt d’un tel système est devenu clair comme de l’eau de roche avec l’avènement de la crise sanitaire qui a mis à l’épreuve la résilience de nos systèmes sanitaires, agricoles, industriels… et, par ricochet, la stratégie gouvernementale en matière de gestion de crise.
 
Si cette question de stocks stratégiques est devenue plus qu’un luxe, surtout dans un contexte marqué par les tensions géopolitiques, SM le Roi Mohammed VI vient de donner le coup d’envoi des travaux de construction de la plateforme de réserves de première nécessité de la région de Rabat-Salé-Kénitra. Projet qui incarne une concrétisation du modèle marocain de résilience et de déploiement rapide des secours en cas de catastrophes majeures (séismes, inondations, risques chimiques, etc.). Dotée d’un budget de 287,5 millions de dirhams, la plateforme comprendra notamment quatre entrepôts de 5.000 m², deux abris pour matériel hors gabarit, un héliport et des zones de stationnement.
 
Une leçon tirée
 
Cette infrastructure régionale s’inscrit dans un programme national de grande envergure, doté d’une enveloppe globale de 7 milliards de dirhams (2 MMDH pour la construction, 5 MMDH pour les équipements), visant la mise en place de douze plateformes réparties sur l’ensemble du territoire. Dans une déclaration à la presse, le Wali-coordinateur national de l’Initiative Nationale pour le Développement Humain (INDH), Mohammed Dardouri, a indiqué que cette initiative intervient à la lumière des enseignements tirés des catastrophes ayant touché le Maroc, surtout le séisme d’Al-Haouz, quant à l’importance d’une gestion rigoureuse et d’une réactivité rapide face à de telles situations, ainsi que de la nécessité pour le Maroc de disposer de ce type d’infrastructures en cas d’urgence.  Dans ce même sens, le chef de la Division de gestion des risques et de l’environnement à la Wilaya de la région de Rabat-Salé-Kénitra, Mohamed Belkabir Echarfi, explique que ladite plateforme sera réalisée dans un délai de 12 mois sur une superficie de 20 Ha. 
 
Quid des autres régions ?
 
Occupant une superficie totale estimée à 240 hectares, ces plateformes régionales seront conçues pour accueillir 36 entrepôts, répartis en fonction de la densité démographique et des risques spécifiques à chaque région. Dans les six régions les plus peuplées – Casablanca-Settat, Rabat-Salé-Kénitra, Marrakech-Safi, Fès-Meknès, Tanger-Tétouan-Al Hoceïma et Souss-Massa -, chaque plateforme comprendra quatre entrepôts, représentant une superficie totale de 20.000 m². Pour les six autres régions – l’Oriental, Béni Mellal-Khénifra, Drâa-Tafilalet, Guelmim-Oued Noun, Laâyoune-Sakia El Hamra et Dakhla-Oued Ed Dahab -, les plateformes abriteront deux entrepôts, totalisant 10.000 m² chacun.
 
Les produits et équipements stockés dans ces infrastructures permettront d’assurer une réponse rapide et efficace en cas de catastrophe, en vue de couvrir de manière diligente les besoins en matière de sauvetage, d’assistance et de prise en charge des populations sinistrées. 
 
Hébergement, médicaments, restauration… packaging total !
 
Dans ce cadre, le ministre de la Santé et de la Protection sociale, Amine Tahraoui, a précisé que chaque plateforme sera également dotée de moyens médicaux complémentaires, incluant des unités hospitalières mobiles et des postes médicaux avancés. Ces dispositifs seront appuyés par une réserve de médicaments et d’équipements médicaux adaptés aux phases de diagnostic et d’hospitalisation.
 
La stratégie sanitaire prévoit, dans un premier temps, la mise en réserve de six hôpitaux de campagne de 50 lits chacun, suivie, dans un second temps, de six autres structures, équipées de modules opératoires d’urgence et de services médicaux spécialisés. Ces installations mobiles seront complétées par l’implantation sur le terrain de postes médicaux avancés, dédiés au triage et aux premiers soins.
 
Le projet assure également l’hébergement par la mise à disposition de 200.000 tentes polyvalentes et d’équipements associés (lits de camps, matelas, couvertures, …).  La restauration des populations sinistrées n’est pas en reste, grâce à des boulangeries et des cuisines mobiles, ainsi que des kits alimentaires pour les besoins des familles sinistrées. A cela s’ajoute la couverture des besoins en eau potable et en électricité par la mise à disposition d’équipements de purification et de potabilisation de l’eau et de production d’énergie électrique par des générateurs remorquables. Le chantier englobe aussi le développement des capacités de sauvetage et d’intervention en cas de sinistre. Il s’agit en particulier de constituer des stocks d’équipements de lutte contre les inondations, de sauvetage en cas de séismes, de glissements de terrain et de coulées de boues, et de lutte contre les risques chimiques, industriels ou radiologiques. Le stockage des produits alimentaires et des médicaments sera par ailleurs géré par des équipes spécialisées et soumis à des règles très strictes, répondant aux normes et standards en la matière.
 
Mohamed ARHIB

3 questions à Mohamed El Bouhmadi : « Ce projet ouvre la voie à une nouvelle forme de partenariat entre les secteurs public et privé »
Attendues depuis plusieurs années, les plateformes de réserves de première nécessité vont enfin voir le jour. Quels enjeux cette initiative représente-t-elle pour l’industrie pharmaceutique marocaine ?

 
C’est une annonce aussi attendue que salutaire. La mise en place de plateformes de réserves stratégiques marque un tournant majeur dans la gestion des crises sanitaires : anticiper plutôt que subir. Pour l’industrie pharmaceutique, cette initiative représente à la fois une reconnaissance de son rôle stratégique et une opportunité de renforcer sa coordination avec l’État. Il ne s’agit plus seulement de produire des médicaments, mais de garantir leur disponibilité dans les moments critiques. Derrière cette notion de réserve stratégique, c’est surtout l’engagement de ne laisser aucun patient sans solution, notamment les enfants atteints de maladies rares, encore trop souvent victimes de ruptures dues à une dépendance excessive aux importations. Cette décision ouvre la voie à une nouvelle forme de partenariat entre le secteur public et le secteur privé, fondée sur la responsabilité partagée et la souveraineté sanitaire.
 

Pensez-vous que ce projet pourrait agir comme un catalyseur pour le développement de l’industrie pharmaceutique nationale, notamment en matière de production de médicaments essentiels et d’urgence ?

 
Oui, clairement. À condition qu’on joue collectif et qu’on pense à long terme. Si les réserves stratégiques sont construites avec une vraie préférence nationale, si les appels d’offres valorisent les fabricants marocains, alors oui, c’est un levier de croissance pour notre industrie. Cela nous pousse à renforcer notre capacité à produire localement, y compris des médicaments d’urgence, des formes injectables, des dispositifs critiques… Et ça peut encourager certains à investir davantage dans des lignes spécialisées ou dans la matière première. C’est une dynamique vertueuse, à condition qu’elle soit bien encadrée.
 

La gestion des stocks de médicaments dans un tel dispositif exige une rigueur particulière. Quelles bonnes pratiques recommanderiez-vous pour assurer une gestion pharmaceutique efficace et conforme aux normes ?

 
C’est un vrai défi, car gérer des stocks de médicaments, ce n’est pas comme stocker des denrées alimentaires. Il faut une approche pharmaceutique stricte. Déjà, il faut bien identifier les besoins en fonction des risques épidémiologiques du pays. Ensuite, il faut une rotation régulière des produits, pour éviter qu’ils arrivent à péremption – on a tous en tête l’exemple français, avec les masques H1N1 jetés avant la crise Covid. Il faut aussi prévoir des stocks de matières premières stratégiques, comme l’alcool pharmaceutique ou certains principes actifs, parce que dans les crises mondiales, c’est souvent ça qui bloque. Enfin, il faut penser en mode “crise” dès le départ : logistique, traçabilité, distribution rapide… Ce sont des choses qu’on peut préparer, former, tester.

3 questions à Mohamed Badine El Yattioui : « Dans ce contexte incertain, anticiper est devenu une nécessité vitale »
Pourquoi ce projet de stock stratégique est-il une priorité nationale ?

Les conditions économiques et commerciales mondiales sont devenues particulièrement complexes et instables. Il est donc impératif d’y répondre efficacement, tout en veillant à une couverture équilibrée de l’ensemble du territoire. C’est pourquoi une structure dédiée sera installée dans chaque région du Royaume, soit un total de 12 plateformes. Cette approche illustre la nécessité de conjuguer l’anticipation économique à l’intelligence territoriale. En somme, il s’agit de mobiliser à la fois l’intelligence économique et l’intelligence territoriale. Le Maroc, en tant qu’État stratège, se doit de mettre en place ce dispositif sans délai. Il s’inscrit dans une vision à long terme, portée par la volonté de protéger les intérêts nationaux, tant au niveau de l’État que des citoyens. Le projet, tel que conçu par Sa Majesté le Roi, vise à anticiper les difficultés d’approvisionnement en produits de première nécessité, mais aussi en d’autres biens essentiels au fonctionnement du pays, qu’ils soient alimentaires, sanitaires, énergétiques ou logistiques. Ce dispositif répond ainsi à des impératifs économiques, industriels, sanitaires et sécuritaires. Il constitue une priorité nationale de premier plan, qui dépasse les logiques conjoncturelles et s’ancre dans une perspective de long terme. Les perturbations internationales rendent cette stratégie indispensable. En tant que pays ouvert, stratégiquement situé entre l’Europe et l’Afrique, les Amériques et le MoyenOrient, le Maroc bénéficie d’une position géopolitique singulière. Mais cette ouverture s’accompagne d’un risque accru d’exposition aux chocs extérieurs. D’où l’importance de renforcer notre résilience nationale.
 

Quels risques le Maroc cherche-t-il à anticiper avec ce dispositif ?

Le monde actuel est confronté à une succession de crises multidimensionnelles, souvent imprévisibles : crise sanitaire avec le Covid-19, conflits armés comme la guerre en Ukraine, tensions commerciales croissantes, notamment entre les États-Unis, la Chine et l’Union Européenne, sans oublier le changement climatique et ses effets sur la sécurité alimentaire. Dans ce contexte incertain, anticiper est devenu une nécessité vitale. La vision Royale s’inscrit pleinement dans cette logique d’anticipation, en plaçant la résilience au cœur des priorités nationales. L’objectif est clair : garantir que ni l’État ni les citoyens ne soient pris au dépourvu face à des crises systémiques, et limiter autant que possible les perturbations susceptibles d’affecter la stabilité économique, sociale et politique du pays. Le Maroc, tout en coopérant avec les grandes puissances, ne peut se permettre d’être «dos au mur» lors d’un choc externe. Il doit disposer de marges de manœuvre lui permettant de préserver son autonomie de décision et de garantir la continuité de l’action publique. C’est tout l’enjeu de ce dispositif stratégique.
 

Que révèle ce projet sur la vision Royale en matière de résilience nationale ?

Ce projet révèle une vision Royale profondément ancrée dans une lecture lucide des transformations du monde contemporain. Sa Majesté le Roi a pleinement mesuré les risques et les incertitudes à moyen et long termes auxquels le Maroc peut être confronté. En tant que Chef de l’État, garant de la stabilité et de la souveraineté nationale, Son rôle est aussi de protection. Ce rôle s’exprime ici de manière concrète à travers la mise en place de stocks stratégiques. Le niveau de développement atteint par le Maroc, la montée continue du niveau de vie, les ambitions de modernisation et les investissements réalisés depuis plus de 25 ans appellent aujourd’hui à renforcer les mécanismes de résilience. Les réserves stratégiques permettent ainsi de sécuriser, en cas de choc, les besoins essentiels de la population, tout en assurant le bon fonctionnement de l’État. Elles incarnent une volonté politique forte : celle d’un Maroc moderne, prévoyant, et capable d’agir rapidement et efficacement, quelles que soient les circonstances.

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