Ainsi, revient à ma mémoire DAFIR, mon premier compagnon d’enfance.
Nous étions deux éclats de rire sous le soleil, nos billes cliquetant dans un concert enfantin.
Puis un jour, son père l’emmena pour une simple opération des amygdales.
Il avait sept ans.
Il n’est jamais revenu.
Depuis, chaque bille qui roule me semble un écho du vide qu’il a laissé.
JAAFAR, un prénom murmuré dans les couloirs du collège.
Il était ce camarade dont le sourire masquait une douleur trop lourde.
Un matin, son siège resta vide.
Il avait bu du poison pour tuer les souris, disait-on, emporté par le fracas des querelles parentales.
Je revois ce moment étrange où, dans son linceul blanc, son front était offert à nos adieux.
Mes lèvres, tremblantes, effleurèrent ce marbre glacé, tandis que je cherchais, en vain, un souffle, une trace de vie.
Ssi MOHAMED, fils unique de Khalti Z.
Il était l’espoir incarné, mais l’espoir s’efface vite quand le cancer frappe à la porte.
À cette époque, les cancers infantiles n’étaient qu’une fatalité silencieuse.
Il s’éteignit, emportant avec lui une part d’innocence et laissant un vide que rien ne comble vraiment.
HAMMADI, mon cousin, mais plus encore, une figure paternelle dans un arbre généalogique brisé par l’Histoire.
Mes autres oncles paternels, héros de la lutte contre le colon français, furent abattus dans l’ombre des trahisons post-indépendance, victimes des jeux cruels du pouvoir.
Hammadi, géant au cœur tendre, maître nageur à la plage de Rabat, fut celui qui m’enseigna l’art de flotter, comme s’il me préparait à survivre au tumulte de la vie.
Pourtant, la mer ne put le sauver lorsqu’un cancer du poumon l’emporta, lui, le non-fumeur, le sportif invincible.
Laissant épouse et deux filles.
Et puis il y a SALAH.
Ce prénom résonne en moi comme un écho intemporel.
Salah, je ne l’ai jamais utilisé pour appeler celui qui le portait, car pour moi, il était simplement « Père ».
Salah, l’artiste, le virtuose du KANOUN, le pilier de ma vie.
Il s’est éteint un lundi 21 novembre 2011, à 88 ans, laissant derrière lui une mélodie qui ne s’éteindra jamais.
Repose en paix, Sidi Salah, comme l’appelaient ses intimes.
Tant que mon cœur bat, ton nom continuera de vibrer, comme une prière suspendue entre ciel et terre.