Le conflit entre les taxis et les VTC demeure sans aucun doute l’un des dossiers les plus délicats pour le gouvernement. Tandis que les chauffeurs de taxis poursuivent leur grogne, le ministre de l’Intérieur assure que la réforme du transport urbain progresse à un bon rythme.
Les revendications des deux camps sont totalement légitimes, néanmoins, le couac réside dans la gestion de ce conflit, qui se traduit souvent par des actes de violence, comme en témoignent les nombreuses agressions que subissent les chauffeurs de VTC. La situation est telle que le ministre de l’Intérieur, Abdelouafi Laftit, a recadré les chauffeurs de taxis il y a moins d’un mois, notant que l’application de la loi incombe exclusivement à l’Etat à travers les autorités compétentes. Aujourd’hui, le ministre revient à la charge, dans une réponse à une question parlementaire écrite, affirmant que les autorités sécuritaires et judiciaires travaillent activement à détecter et à sanctionner toutes les violations, «y compris les conflits récurrents entre les chauffeurs de taxis et les acteurs non autorisés».
Dans sa réponse écrite, Laftit a annoncé son engagement à participer à une coordination gouvernementale multipartite, visant à mettre en place un cadre juridique et réglementaire intégré pour encadrer ces services, tout en garantissant les droits de toutes les parties prenantes, qu’il s’agisse des VTC ou des chauffeurs de taxi. Actuellement, la tutelle examine les mécanismes juridiques et procéduraux nécessaires pour organiser l’utilisation des applications intelligentes dans le secteur du transport. «Un texte prêt à l’exécution existait déjà lorsque l’ancien ministre des Transports était en fonction, et il a d’ailleurs servi de base à la version actuellement en cours de formulation», apprend-on de source gouvernementale. L’objectif reste de développer le service tout en respectant la législation, garantissant ainsi l’équité et une concurrence loyale au sein du secteur. En effet, les chauffeurs de taxi se montrent particulièrement opposés à cette concurrence, la considérant comme une menace pour leur profession. «Pendant que nous, chauffeurs de taxi, luttons dans le silence face à la vie chère et le coût élevé du carburant, les chauffeurs de VTC travaillent sur leur temps libre, sans obligations précises, menaçant ainsi notre gagne-pain», confie un syndicaliste sous couvert d’anonymat. À Rabat, où les altercations entre chauffeurs deviennent de plus en plus fréquentes, les départements de tutelle ont organisé une réunion avec les représentants des taxis pour apaiser les tensions et définir une feuille de route qui puisse satisfaire à la fois les chauffeurs, les VTC et les usagers. Lors de cette rencontre, les chauffeurs de taxi ont souligné l’urgence de développer une application mobile commune pour les taxis, intégrant la possibilité de paiements électroniques et de suivi post-service, afin de garantir la transparence et le respect des données personnelles, tout en restant conforme à la législation en vigueur. Selon eux, l’ouverture aux nouvelles tendances du transport permettrait de renforcer la compétitivité du secteur et surtout de regagner la confiance des usagers.
Dans ce cadre, Laftit a mis en avant l’engagement du ministère de l’Intérieur à accompagner les acteurs du secteur en publiant des décisions opérationnelles qui précisent les conditions et procédures légales pour exercer l’activité de mise en relation entre les clients et les chauffeurs de taxi via les technologies modernes. En conséquence, plusieurs licences ont déjà été accordées à des entreprises ayant développé des plateformes numériques pour la réservation intelligente, tout en respectant les lois et les droits des utilisateurs et des professionnels.
Le responsable gouvernemental a ajouté que le ministère cherche à instaurer un équilibre entre la modernité et le respect des lois, en adoptant un modèle d’intervention qui prend en compte les évolutions du marché et les attentes des citoyens, tout en préservant le cadre juridique qui régit le secteur du transport public.
Malgré les récents efforts de modernisation des services par les chauffeurs de taxi, les défenseurs des droits des consommateurs insistent sur l’établissement d’un cadre légal pour les VTC, en tant que nouveau mode de transport. «Cette réglementation est l’un des projets les plus importants du secteur des transports que les décideurs devront aborder à l’avenir pour offrir aux passagers, qu’ils soient marocains ou étrangers, des options de transport diversifiées, fiables, sûres et de qualité», explique Ouadie Madih, président de la Fédération Marocaine des Droits du Consommateur (FMDC).
Selon lui, les taxis et les VTC s’adressent à des clientèles distinctes avec des attentes différentes, et la réglementation ne devrait pas affaiblir l’activité des taxis, qui sont un élément incontournable du paysage urbain. Pour Ouadie Madih, il est fondamental de fournir aux consommateurs plusieurs options, leur permettant ainsi de choisir ce qui correspond le mieux à leurs besoins et à leurs moyens. D’où l’impératif pour le gouvernement de réunir les deux parties prenantes, dans une sorte de dialogue social où chacun aura son mot à dire. Les entreprises de VTC affirment, elles, être entièrement prêtes à collaborer avec les autorités en vue de mettre en place un cadre légal adapté à cette activité, soulignant que la réglementation de ce secteur permettra de réduire les tensions entre les taximen et les chauffeurs opérant avec les entreprises de VTC et potentiellement réduire le prix du transport et augmenter les revenus des chauffeurs en permettant au marché de se développer de manière organique. Si les syndicats qui représentent les taxis tiennent toujours tête, le ministère de l’Intérieur s’est engagé pour sa part à poursuivre la réforme globale du secteur du transport urbain, en parallèle avec les directives nationales visant à numériser les services et à atteindre une justice territoriale et économique, garantissant ainsi un service public sûr, légal et équitable pour tous.
Quelle solution préconisez-vous pour intégrer les chauffeurs de VTC, tout en améliorant les conditions de travail des chauffeurs de taxis non-propriétaires d’agréments ?
Pensez-vous qu’il est nécessaire de revoir la gouvernance du secteur ?
La circulaire n° 750 prévoit que, suite au décès du titulaire d’une licence de taxi, le véhicule peut être exploité pendant six mois. Cependant, si les héritiers ne parviennent pas à un accord sur le sort de la licence, le permis d’exploitation est retiré et le véhicule est interdit de circulation, entraînant ainsi des pertes d’emploi pour les chauffeurs qui ne disposent d’aucune alternative.