Les pays africains sollicitent de plus en plus la coopération des FAR, dont le soft power se renforce discrètement aux yeux des militaires du continent. Décryptage.
Cela fait des décennies que le Maroc est un centre de formation pour les officiers africains, qui sont de plus en plus nombreux. Après leurs études, quelques lauréats ont fini par trouver leur chemin au sommet de leurs États. La liste est longue et on y trouve les noms de leaders charismatiques qui ont fait un parcours marquant, tels que l’ancien président du Burkina Faso, Thomas Sankara, celui de la Mauritanie, Mohammed Ould Abdelaziz, et l’actuel leader de l’Union des Comores, Azali Assoumani, dont le souvenir radieux du périple marocain ne l’a jamais quitté.
L’engouement se poursuit avec les nouvelles générations
Aujourd’hui, le Maroc forme également les nouvelles générations qui commencent à accéder au pouvoir. Le cas de l’actuel président du Gabon, Brice Oligui Nguema, saute aux yeux. Le nouvel homme fort de Libreville est le produit de l’Académie Royale Militaire de Meknès comme beaucoup d’autres. Ancien attaché militaire à l’ambassade gabonaise à Rabat, l’ancien aide de camp d’Omar Bongo Ondimba et ex-Chef de la garde républicaine, le général de fer se distingua après la chute d’Ali Bongo lorsqu’il a pris les rênes du pouvoir en assurant une transition fluide, sans vacarme politique, en dépit d’un contexte difficile.
Il n’a jamais coupé les liens avec le Maroc où il s’est rendu en visite privée en juillet dernier après avoir assisté à l’ouverture des Jeux Olympiques à Paris, affirme une source bien informée. Brice Oligui Nguema connaît si bien le Royaume qu’il y garde beaucoup d’amis et cultive un large réseau de contacts. Dès qu’il s’est assis sur le siège présidentiel, il a veillé à montrer qu’il restera dans la ligne de son prédécesseur en ce qui concerne le Maroc qu’il a qualifié de pays frère lors de son premier échange avec l’ambassadeur du Royaume, Abdellah Sbihi, à Libreville.
Parmi les nouveaux hommes forts du Sahel, s’impose le capitaine Ibrahim Traoré, qui dirige le Burkina Faso après la chute du président Christian Kaboré. Il s’est distingué par la fermeté avec laquelle il mène la guerre contre le terrorisme dans son pays malgré son jeune âge. Il a forgé une partie de son âme de militaire à Fès où il a fait un stage de perfectionnement de six mois dans le centre d’instruction en artillerie. Il incarne à la perfection cette nouvelle jeunesse africaine qui veut rompre définitivement avec une certaine idée archaïque et démagogique du panafricanisme.
Une formation adaptée au désert africain
Le Maroc a de tout temps ouvert les portes de ses académies aux officiers africains qui choisissent volontairement d’y commencer leur carrière d’armes. Cet engouement n’est pas fortuit pour autant que la formation qu’offre le Royaume répond à des besoins spécifiques des pays africains. “Le Royaume du Maroc a su se doter d’un système de formation pluridisciplinaire et résolument tourné vers le futur”, confie le Lieutenant-Général Sidiki Daniel Traoré. Ce haut-gradé du Burkina Faso est le produit de l’Académie Royale de Meknès. Il a gravi les plus hauts échelons de sa hiérarchie militaire avant de commander la Force des Casques bleus en Centrafrique (MINUSCA), en 2020. A ses yeux, le Maroc se distingue par sa capacité à fournir un enseignement pointu des techniques de combat dans les zones désertiques et sahéliennes.
C’est un acquis indispensable pour les militaires africains qui font souvent face à des mutineries dans le vaste désert où même les grandes armées sont souvent mises en échec, comme ce fut le cas de l’Armée française qui n’a pas pu chasser les groupes djihadistes au Sahel malgré les ressources colossales qu’elle a déployées pendant l’opération Barkhane, qui s’est soldée par le départ humiliant des troupes tricolores du Mali.
Cette formation adaptée aux besoins des armées africaines émane de la longue expérience des Forces Armées Royales dans les théâtres désertiques pendant la guerre du Sahara où elles se sont remarquablement appropriées la conduite des offensives, des opérations de ratissage et des techniques de lutte contre les guérillas au milieu des tourbillons de sables, explique un haut gradé en retraite sous couvert d’anonymat. “Les FAR sont l’une des rares armées en Afrique à avoir combattu longuement et avec succès opérationnel reconnu dans une zone désertique, nos partenaires africains reconnaissent cette expertise”, fait-il remarquer.
Entraînement : La plus-value des instructeurs des FAR
Aujourd’hui, l’expertise marocaine ne se réduit plus uniquement à la formation académique. Les FAR sont de plus en plus sollicitées pour entraîner les troupes africaines, dont celles de la Guinée Conakry où les instructeurs américains supervisent les troupes aéroportés depuis 2018.
Les brigades d’infanterie parachutistes sont montées en gamme ces dernières années et cela a été couronné par le succès de la 2ème brigade, la première unité africaine à atteindre les standards de l’OTAN après avoir réussi le test du “Capability Concept Evaluation and Feedback Programme” en 2023. Les FAR continuent, tout de même, à perfectionner leurs unités para à l’aide de l’Intelligence Artificielle. Un système d’entraînement virtuel serait en cours de commande. L’Armée Royale fait de plus en plus recours aux nouvelles technologies d’entraînement et de simulation des opérations, telles que les war-games. A cela s’ajoute l’expérience qu’a pu accumuler le Maroc dans l’usage des drones contre le Polisario. Tout cela permet aux FAR de se familiariser rapidement avec la guerre moderne, ultra robotisée. “Cela est un acquis majeur qui contribue au rayonnement de nos centres de formation”, insiste notre source militaire, qui rappelle que le Maroc n’offre pas seulement son savoir-faire humain mais tout un package complet avec des dons de matériel militaire.
Par ailleurs, un autre élément contribue à l’attrait des FAR aux yeux des militaires africains, à savoir leur participation constante dans les exercices multilatéraux en Afrique, dont le plus grand (African Lion) est organisé au Maroc. Ce genre d’exercices, quelle qu’en soit l’ampleur, permet une meilleure interopérabilité et une meilleure connaissance mutuelle.
Le Maroc semble poursuivre la même stratégie en Afrique où les FAR sont à l’avant-garde d’un nouveau rapprochement avec l’Ethiopie dont une délégation militaire de haut niveau a été accueillie, fin août dernier, à Rabat après une visite d’une mission marocaine menée à Addis-Abeba, par le général de division Aziz Idrissi, quelques mois plus tôt. Ces échanges de visites ont débouché sur une entente de principe pour raffermir la coopération militaire qui devient désormais un nouvel outil au service de la diplomatie. Ce rapprochement militaire devient un point de départ d’une éventuelle entente politique avec l’Ethiopie avec laquelle le Maroc n’a pas toujours eu des relations cordiales de fil de l’Histoire.